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CONTRE L'OUBLI

Titre Original CONTRE L'OUBLI
Titre traduit
Réalisateur KAREL
William
Distribution Taxi production
Production Taxi production
France 2
Année 1995
Format 3 VHS
Durée 80'
Langue st Fr.
Musique
Distinction
Interprètes
Résumé A l'occasion du 50e anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz, ce documentaire donne la parole à ceux qui n'ont jamais parlé. Un an d'enquête dans 10 pays pour rassembler des archives et retrouver des témoins : comment des millions de juifs ont été tués en Europe ? Comment s'est mise en marche la machinerie du meurtre de masse ? Quels ont été les réactions de la population dans l'Allemagne hitlérienne ? Que fut l'attitude des communautés juives à l'étranger ? Et celles du monde extérieur ? Dans quelles conditions eut lieu la libération des camps par les Soviétiques et les Américains ? Comment les rescapés ont-ils survécu à l'évacuation d'Auschwitz et à la longue marche de la mort ? Des témoins déportés ont été retrouvés à Jérusalem, à Varsovie, en Allemagne, à Paris...
Diffusion
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Droit 0
Festival
Genre Documentaire
Shoah
Auteur du Commentaire Béatrice Bocard - Libérations
Commentaire d'Imaj En exagérant à peine, on pourrait dire que la libération des camps de concentration a inauguré les reality shows. C'est l'une des zones d'ombre de la fin de la Seconde Guerre mondiale que révèle le film de William Karel, écrit avec Jean-Charles Deniau et le producteur Philippe Alfonsi pour le cinquantième anniversaire de la libération des camps. Diffusé en janvier dernier sur France 2, le film vient d'être distingué deux fois au plan international (Emmy Awards et prix Europa 1995). Ce qui a poussé la chaîne coproductrice à le rediffuser. William Karel, déjà épaté que le film soit passé une première fois en prime time, l'est encore plus de le voir présenté et distingué à New York, «à côté de films superbes en 35 mm avec Glenn Close, alors que Contre l'oubli ne montre que douze personnes qui parlent, filmées en gros plan et en vidéo, sans souci d'esthétique ni de recherche». Mais ce dont ces personnes parlent, justement, n'est pas anodin, et le fait même qu'elles parlent est essentiel: le film est construit autour du silence et de la parole. Silence complice ou impuissant des Alliés. Silence plus ou moins imposé aux survivants, alors que parler leur était... vital. Le réalisateur, Israélien vivant en France depuis dix ans, a saisi l'occasion de ce cinquantième anniversaire pour rechercher d'ultimes témoins: «Dans dix ans, il sera trop tard.» C'est d'abord le silence des Alliés qui, pourtant, «savaient» dès 1942 ce qui se passait dans les camps, même s'ils étaient loin d'imaginer l'ampleur du désastre vers la fin de la guerre. Parmi les témoins retrouvés par William Karel figure Jerzy Tabeau. Après son évasion d'Auschwitz en 1943, il écrit un rapport détaillé de 70 pages sur la réalité du camp, avec force chiffres et plans. Mais à Londres, il ne rencontre qu'incrédulité. «En 1965, précise William Karel, le biographe de Churchill a retrouvé le rapport classé dans ses affaires avec la mention sans intérêt.» Au-delà de l'incrédulité, les Alliés avaient des motifs pas forcément glorieux pour ne pas intervenir. Les camps n'étaient pas inscrits parmi les objectifs militaires, qui visaient des sites plus stratégiques, usines ou voies ferrées. «Bombarder Auschwitz, noeud ferroviaire entre les camps, aurait au moins permis de sauver les 500.000 juifs de Hongrie, mais l'on n'a pas non plus fait sauter la voie ferrée du Bourget par où transitaient les déportés du Vel' d'Hiv'», remarque le réalisateur. Plus cyniquement, qu'aurait-on fait du demi-million de juifs sauvés des camps? «Les Anglais étaient contre l'installation de juifs en Palestine, et les Américains avaient un système de quotas d'immigrants», fait remarquer Annette Wieviorka, historienne dont le travail sur la déportation a inspiré directement la partie du film relative au «show américain» (1). Les prémices de la société du spectacle qu'allaient banaliser cinquante ans plus tard des chaînes de télévision comme CNN étaient déjà là, avec la surenchère à l'indécence, au voyeurisme, et le recours à la mise en scène. Choqué par ce qu'il découvre à Buchenwald en avril 1945, Eisenhower organise quelques semaines plus tard la visite des camps pour des journalistes et des délégués du Congrès américain. Les gros plans n'épargnent rien: trains remplis de cadavres, tas de dents en or et de cheveux de femmes, déportés nus, hébétés, derrière les barbelés. Devant les caméras, on fait répéter leur texte aux moins mal en point des survivants: «J'ai été déporté parce que j'étais juif», dit l'un. Une fois, deux fois... Le cauchemar des déportés fraîchement «libérés» ne devait pas s'achever de sitôt. Par crainte de la propagation du typhus, qui avait causé des ravages à la guerre de 14, on les maintient en quarantaine. Les barbelés sont remis en état et, sur les miradors, des sentinelles alliées remplacent les Allemands. William Karel raconte qu'il a reçu trop tard pour les faire figurer dans son film des images de la libération du camp de Bergen Belsen, où l'on voit des soldats britanniques distribuer de la nourriture à travers les barbelés à des femmes nues. Pour ne pas être en reste après le «show» américain, les Soviétiques, qui n'avaient rien fait au moment de la libération d'Auschwitz, filment une «fausse libération» quelques semaines plus tard, avec des figurants polonais acclamant les soldats à grands cris... «William Karel est le premier à décortiquer ces images fausses que l'on nous a toujours montrées, encore très récemment, comme authentiques», dit Annette Wieviorka. Comment a-t-on pu y croire? «On n'a pas l'habitude de mettre les images en doute comme on le fait pour l'écrit, explique l'historienne. L'exemple du charnier de Timisoara (lors de la révolution roumaine, en décembre 1989, ndlr) n'est pas si lointain...» Après le long et lent retour au pays, dans des conditions souvent proches de celles de l'aller («cette fois, les portes des wagons à bestiaux n'étaient pas plombées», remarque une ancienne déportée), les survivants doivent faire face aux questions des familles, à «la honte d'être encore vivant». En France, afin de ne pas démoraliser la population, ils sont priés de garder le silence. Lorsqu'ils parlent, on les prend pour des fous, des «gens pas normaux», disent-ils. En Israël, l'accueil des anciens déportés n'est pas des plus chaleureux. «La société israélienne n'a pas voulu les écouter, n'a pas su les recevoir ni vivre avec eux, alors qu'ils voulaient tous raconter», explique l'historien et journaliste Tom Segev. Le grand silence coupable des survivants a duré jusqu'au procès d'Eichmann en 1961 à Jérusalem, qui a un peu agi comme une thérapie. Une ligne verte téléphonique a été créée en Israël il y a quelques années pour les anciens déportés et leurs enfants. Aujourd'hui, l'un des rares rescapés des Sonderkommandos ­ commandos spéciaux de juifs chargés de «nettoyer» les chambres à gaz ­ peut enfin raconter face à la caméra l'horreur et l'inexorabilité de sa tâche. William Karel, «obsédé par ces histoires», frappé par le suicide de Primo Levi puis de Bruno Bettelheim, rescapés des camps, auteur de documentaires sur la rafle du Vel' d'Hiv' et la Nuit des longs couteaux, a voulu donner une dernière fois la parole aux survivants. Il leur demandait quelques minutes. Ils ont parlé pendant des heures. William Karel a fait de ces entretiens la matière d'un film de trois heures, la Mort en face, diffusé sur Planète il y a quelques mois. Le verra-t-on sur une chaîne hertzienne? Pour la mémoire, contre l'oubli. (1) Déportation et génocide. Entre la mémoire et l'oubli. Plon, réédition Hachette.

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