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J'ACCUSE (An Officer and a Spy)

Titre Original J'ACCUSE
Titre traduit An Officer and a Spy
Réalisateur POLANSKI
Roman
Distribution Gaumont Distribution
Production
Année 2019
Format DVD
Durée 126'
Langue Fr.
Musique
Distinction
Interprètes Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner
Résumé Pendant les 12 années qu'elle dura, l'Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Elle apparaît toujours comme un symbole de l'iniquité dont sont capables les autorités politiques au nom de la raison d'Etat. Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXe siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L'affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart, véritable héros oublié de l'Affaire Dreyfus. Une fois nommé à la tête du contre-espionnage, le Colonel Picquart finit par découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. A partir de cet instant, au péril de sa carrière puis de sa vie, il n'aura de cesse d'identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus. Winner best director, César Award (French Academy Awards) 2020 Winner best foreign film 2019 Venise FF
Diffusion
Lien film public
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Droit 0
Festival Hong Kong JFF 2020
Genre Fiction
Auteur du Commentaire Jack P. Mener
Commentaire d'Imaj Lettre ouverte à Roman Polanski par Jack P. Mener. Permettez-moi, Monsieur Polanski, de m’adresser publiquement à vous à l’occasion de la sortie de votre dernier film, consacré à l’Affaire Dreyfus qui, depuis près de 130 ans, déchire plus que la France. Si je prends cette liberté, c’est que vous revoilà au centre d’une tempête médiatique qui n’a rien et en même temps tout à voir avec le capitaine Alfred Dreyfus, ni avec le cinéma, ni même avec cette dernière création magistrale, Grand Prix du Jury et Prix Fipresci à la Mostra de Venise 2019, qui couronne une carrière constellée de chefs-d’œuvre, quoi que certains puissent penser de l’homme que vous seriez en privé. Il se fait, Monsieur Polanski, que je vous ai personnellement croisé à l’aube de votre carrière, en 1963 (on croit rêver), à Knokke-le-Zoute, dans le cadre du mythique Festival International du cinéma EXPRMNTL (c’était son orthographe) que le non moins mythique Jacques Ledoux, l’infatigable et regretté directeur de la Cinémathèque Royale de Belgique, avait créé en 1949 avec Paul Davay. Entre autres films à caractère expérimental, on y avait projeté un de vos premiers courts-métrages « Deux hommes et une armoire » déjà primé lors de la deuxième édition du Festival en 1958 et qui m’avait ébloui en révélant l’auteur en puissance que vous étiez déjà. Si je mentionne cette rencontre quasi préhistorique c’est que ce Festival fut l’occasion d’un mini-scandale révélateur de l’époque. « Flaming Creatures » (1963) de l’Américain Jack Smith y fit l’objet d’une interdiction de projection publique pour ses quelques scènes de nu contraires aux lois sur les bonnes mœurs en vigueur à l’époque. Aussitôt une séance clandestine fut organisée dans une des chambres d’hôtel où s’entassèrent une vingtaine de curieux, dont vous et moi. Ce qui me frappa alors, après une longue attente, ce furent moins les orgiaques gesticulations psychédéliques sur l’écran que votre réaction à vous : insensible à cette ébauche de débauche, vous vous êtes endormi en plein porno! Petite anecdote révélatrice à verser au dossier de votre prétendue réputation d’obsédé sexuel. Ceci pour dire que, n’étant ni procureur ni juge et encore moins leur avocat, je ne me vois pas faire écho aux vagues de scandale de ces dames du #MeToo – qu’elles soient victimes anciennes ou récentes d’abus machistes, toujours odieux - qui éclaboussent chacune de vos apparitions et qui frappent d’opprobre aujourd’hui la sortie publique de « J’Accuse ». Non que je veuille esquiver le débat sur la séparation ou non entre l’œuvre d’un artiste et son comportement moral, comme certains le font à l’égard de l’antisémitisme incontestable d’un Céline ou d’un Wagner, mais parce que je m’en tiens à la présomption d’innocence tant que la justice n’a pas dit son dernier mot dans la ou les accusations qui pèsent sur vous depuis tant de décennies. Que ce soit clair : je ne ferme les yeux sur rien. Ni complice, ni censeur, il s’agit ici pour moi d’analyser un film et non de porter un jugement moral sur la vie de son auteur. Venons-en plutôt et enfin à l’essentiel, en l’occurrence, votre film sur l’Affaire Dreyfus, conçu à partir du roman historique « D. » (comme Dreyfus) de Robert Harris, votre coscénariste avec lequel vous aviez déjà collaboré pour « The Ghostwriter » (2010). Son titre actuel, modifié de « D. » en « J’Accuse » pourrait faire croire que vous aviez choisi de le centrer plutôt que sur la personne même du capitaine Dreyfus, de préférence sur la figure emblématique d’Emile Zola, comme ce fut le cas dans « La Vie d’Emile Zola » de William Dieterle (1937) ou le « J’Accuse » de et avec José Ferrer (1957). Ceci, en raison du rôle majeur que joua l’écrivain français pour faire éclater à la Une de l’Aurore, la vérité sur les mensonges, les falsifications et le complot antisémite commis au sommet de l’armée française qui avaient conduit à la dégradation pour haute trahison du capitaine Dreyfus par le tribunal militaire et à son incarcération au bagne de l’île du Diable, en Guyane française. En réalité, avec Robert Harris, vous avez opté, et ce n’est pas le moindre mérite de votre film, de vous focaliser sur un personnage apparemment secondaire de l’Affaire, resté quasi dans l’ombre jusqu’il y a peu : le lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart, nommé à la tête du service de contre-espionnage suite au décès de son prédécesseur. Bien qu’antisémite bon teint comme la plupart des officiers de son entourage et plutôt empreint d’antipathie à l’encontre de Dreyfus, c’est lui qui allait découvrir que l’accusation de trahison contre celui-ci n’était en fait qu’une sordide machination ourdie par un quarteron d’officiers. À partir de cet instant, en modèle d’intégrité morale qu’il était, c’est contre ses propres préjugés et au mépris du danger à révéler la fourberie de ses pairs, qu’il fit tout ce qui fut en son pouvoir - jusqu’à aller en prison - pour prouver l’innocence de Dreyfus et le rétablir dans ses droits. Bien avant et bien plus que Zola qui, lui, échappa à la prison en s’enfuyant incognito en Angleterre, c’est donc le lieutenant-colonel Picquart, si magistralement et sobrement incarné par Jean Dujardin, le vrai premier défenseur de la vérité et de la réhabilitation du capitaine Dreyfus. Et il était grand temps, Monsieur Polanski, qu’une œuvre de grande diffusion et de haute tenue comme votre « J’Accuse », vienne redresser cette autre injustice. Ainsi, le zoom de la caméra vers le « petit bleu » encadré, accroché au mur du bureau de Picquart, et où on comprend qu’il soupçonne qu’il s’agit d’un faux, restera un grand moment de cinéma, comme l’a été celui du regard porté par l’officier allemand Kurt Gerstein à travers l’œilleton de la chambre à gaz d’Auschwitz dans « Amen » de Costa-Gavras. Il y a d’autres grands moments dans votre film. À commencer par la scène d’ouverture où, dans une cour de caserne, avec une solennité à donner froid dans le dos, le capitaine Dreyfus se fait symboliquement briser son sabre et arracher les galons et les décorations de son uniforme d’officier. A contrario, quand, après le long calvaire de son emprisonnement et le dernier procès qui l’innocente pour enfin le rétablir dans ses droits, il sort du tribunal la tête haute, la double haie d’honneur militaire règlementaire obéit au commandement aboyé par l’officier en claquant des talons et en lui tournant ostensiblement le dos, en signe de mépris. Vous ne pouviez mieux montrer que ce long combat pour la vérité n’avait rien changé dans l’esprit et le corps de l’armée, ni pour une grande partie de la société française. C’est Albert Einstein qui dira près d’un demi-siècle plus tard qu’il est plus difficile de désagréger un préjugé qu'un atome. Autre scène emblématique dans « J’Accuse », celle du premier face-à-face entre Picquart et Dreyfus, après sa réhabilitation. Pas un regret, pas un merci, pas d’explications, chacun reste arcbouté sur ses convictions. Le lieutenant-colonel estime qu’il n’a fait que son devoir et le capitaine qu’il n’a pas à exprimer de reconnaissance après trop d’années d’injustes souffrances. Un mur de silence les sépare à jamais. Ce sont des scènes d’anthologie comme celles-là qui vaudront à votre « J’Accuse » de figurer au panthéon de l’histoire du cinéma. Et pourtant, votre version de l’Affaire Dreyfus est tout sauf flamboyante, je dirais plutôt, raide comme la justice. Elle est marquée par la rigueur de l’enquête minutieuse et têtue menée par Picquart, la sobriété solennelle des scènes de prétoire, une fidélité absolue à la reconstitution historique du Paris de l’époque, une mise en scène efficace tirée au cordeau, sur une musique discrète d’Alexandre Desplat. Avec, aux côtés de l’impeccable Jean Dujardin, un magnifique acteur plutôt méconnu, malgré ses 60 films, comme Grégory Gadebois en planton décontracté de Picquart. Mais aussi des acteurs de premier plan souvent méconnaissables, comme Louis Garrel en Dreyfus rigide et quasi effacé ; Hervé Pierre, Didier Sandre, Laurent Stocker de la Comédie Française drapés dans leur dignité de généraux ; Melvil Poupaud, Mathieu Amalric, Vincent Perez, Michel Vuillermoz, Denis Podalydes dans des rôles épisodiques et bien entendu, seule héroïne du film en maîtresse de Picquart, votre égérie et épouse Emmanuelle Seigner. Tous dirigés de main de maître. Ce qui manque dans ce film, en revanche, et ce n’est pas anodin, c’est ce climat de déchaînement passionnel entre pro et antidreyfusards qui déchira si profondément la France pendant les 12 ans du procès Dreyfus et bien au-delà. J’aurais aussi aimé que votre film rende justice au long combat opiniâtre de l’épouse et du frère de Dreyfus pour faire reconnaître son innocence. Il est vrai que même en deux heures et quart (132 minutes) c’est mission impossible de couvrir tous les aspects de cette Affaire complexe, riche en rebondissements, aux personnages multiples et qui, à travers le rôle capital joué par la presse, eut des prolongements tentaculaires dans presque toutes les strates de la société. Car, ce qui fut le centre névralgique de cette affaire d’espionnage dont Esterhazy fut l’initiateur et le vrai coupable, c’est l’antisémitisme virulent qui éclata au grand jour et qui n’a pas fini d’empoisonner la vie politique française. C’est cette haine-là qui n’est pas à mon sens assez représentée dans votre « J’Accuse ». Comme j’avais déjà trouvé que dans votre par ailleurs superbe film « Le Pianiste », vous aviez discrètement gommé l’antisémitisme pourtant si profondément ancré dans la population polonaise. Vous devez certainement, vous l’enfant survivant du Ghetto de Varsovie, avoir vos raisons pour ne pas vous attarder sur cette hydre aux cent têtes qu’est l’antisémitisme à travers les âges. Ce n’est pas mon cas et c’est, au-delà de l’admiration que je porte à votre œuvre, pour vous faire part de cette frustration que j’ai voulu vous adresser cette lettre ouverte. Cela dit, continuez encore longtemps à nous émerveiller.

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